Esprit zen, esprit neuf
Bouddha avait raison ! Le désir jamais n'entre en sommeil. Me voilà paré des plus beaux bijoux : théière Yixing en terre épuisée, théière de potier taïwanaise, bateau et tasse en céladon de l'époque Qing, superbes vieux pu er et wulongs...Avec pour écrin une armoire où les espaces vides se font rares. Alors qu'il y a seulement quatre ans, un simple petit meuble suffisait pour abriter quelques modestes thés rouges, wulongs et thés verts, et une théière -bouilloire- en fonte qui servait à infuser tous les thés. Que de chemin parcouru ! Quelle formidable réussite ! Vraiment ?
Souvent je me dis que j'aimerais repartir à zéro. Retrouver la joie de découvrir un Grand Yunnan quand ma seule idée du thé était un sachet jaune avec deux sucres. Esprit zen, esprit neuf. Retrouver cet esprit neuf, se mettre à nu, se défaire de ses belles parures. Mais pourquoi cette envie ?
- car objectivement déguster un Tuo Cha 1986 en théière Yixing ancienne réjouit bien plus les papilles qu'un simple thé rouge sorti d'une théière en fonte ;
- ou alors repartir à zéro pour retrouver cette formidable stimulation intellectuelle et sensitive qui nous conduit à découvrir des nouveaux thés et ustensiles : "waouh ce sencha !", "mon premier Gao Shan Cha !", "Terrible cette galette 1985 !". Se mettre à nu pour à nouveau couche après couche se vêtir de ses plus beaux vêtements. Se défaire de ses possessions pour à nouveau pouvoir se soumettre au désir ? Bouddha doit se retourner dans sa stupa s'il lit ces lignes !
Non. Ressentir ce besoin de revenir aux sources, au dénuement doit nous alerter, nous avertir que nous sommes pris dans le tourbillon du désir, dans l'euphorie du "toujours plus". Et nous inciter à ne jamais perdre cet esprit de débutant (beginner's mind), cette virginité devant un thé, qu'il soit simple thé rouge ou raffiné wulong de haute montagne, infusé en grande théière ou dans une rare Yixing. Etre ici et maintenant pour chaque thé.