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mon histoire de thé (6

2 Août 2012, 14:59pm

Publié par Lionel

2010, je me cherche un peu...je cherche un peu mon thé aussi...les 2 sont liés de toute façon...

 

Je ressens un besoin de vide, de simple, quelque chose de différent. Un renouveau dans ma pratique de thé. Ce n'est pas un choix conscient, programmé. Envie de m'assoir par terre, des ustensiles simples, peu nombreux, pour un thé "flash", un coup de sabre, ou de kyosaku, du nom japonais de ce bâton de bois que le maître utilise, à la demande du méditant, par un coup sec sur les épaules pour prévenir de l'endormissement pendant zazen. Je traduis cela maintenant avec des termes japonais, sabre, zen, etc. mais à l'époque le thé japonais ne s'est pas immédiatement imposé à moi.

 

J'ai alors un kyusu (terme japonais pour théière) acheté en 2003 chez Toraya, raffinée boutique parisienne. Je n'ai pas de thé japonais. Pour moi, le thé japonais à l'époque se caractérise par :

- du thé vert, point. Je connais les différences entre sencha, gyokuro, kukicha et hojicha (ce qui n'est déjà pas mal me direz-vous...). Mais j'écoute le discours de certains qui disent que le Japon est le "pays de l'étroit thé"...(par opposition à un autre pays du thé symbolisé par une maison "homonyme"...). Bref, des thés verts, tous les mêmes.

- du thé difficile à préparer, en tout cas difficile à réussir. Besoin d'un thermomètre inutile en gongfucha. Pesée des feuilles. Temps d'infusion. Gare à l'amertume !

- du thé souvent cher, qu'il faut doser généreusement, pour seulement 2 infusions satisfaisantes.

Mais, malgré cela, je sais que bien préparé, tel que certains de mes amis m'en ont offert à ce moment-là, le thé japonais peut offrir des saveurs uniques, intenses et inoubliables. Mais j'hésite encore à entrer dans ce monde...

 

2 rencontres, virtuelles certes, vont alors tout changer. F. tout d'abord, est le trait d'union entre le pays du soleil levant, ses producteurs de thé et ses potiers, et le monde occidental. Un passionné, un défricheur. Il porte à notre connaissance, nous ignorants du thé japonais, des choses extraordinaires. 2 noms : Watanabe Tozo et Yoshiaki Hiruma. Qui n'a jamais caressé de longues minutes une théière de Watanabe Tozo a manqué quelque chose dans sa vie de thé...Ca sera mon premier véritable kyusu. Dedans, en juin 2010, je mets du Kukicha Honeppoi Yatsu, un exceptionnel kukicha produit par Yoshiaki Hiruma, région de Saïtama (Sayama-cha), proche de Tokyo. Et là, c'est le choc. Ma vie de thé a basculé. Mes premiers pas sur mon senchado, ma voie du sencha. Et pourtant c'est là un thé atypique. Le Kukicha n'est pas un thé japonais que l'on boit très souvent, et les thés de Hiruma-san ne sont pas très caractéristiques du thé japonais classique. Le lendemain j'ouvre le sachet de Hokumei, fukamushi fabriqué à partir du cultivar Hokumei. Sensations encore plus fortes. Une force, une présence en bouche, une longueur, une amertume fleurie délicieuse. Je ne bois plus que ça de juin à octobre 2010. Le coup de foudre. Suivront d'autres thés de ce producteur : Yumewakaba, Taishou, Chakakacha, Fumika, Sayamakaori, Fukumidori, Manma...Le pied. Jamais je n'ai bu de tels thés. Le thé japonais est donc pour moi en premier lieu une révolution gustative. C'est par le goût du thé, le délice absolu que me procurent ces thés, que j'entre dans le monde du thé japonais.

 

Deuxième composante : les ustensiles et céramiques, l'art des potiers japonais. Là aussi une rencontre sera décisive. JF. me montre ses kyusu signés Yamada Emu et Yamada So. Ses plateaux en bois noirs, ses tasses cuites au feu de bois, cendreuses, mystérieuses. Ses pièces de Murata Yoshiki aussi. Le choc visuel. Je veux les mêmes ! 22 septembre 2010, je reçois mon kyusu shudei (terre rouge) de Yamada So. Je sens immédiatement que je suis en présence d'une pièce très forte, pas comme les autres, une pièce moderne par son ergonomie (filtre, verse), mais aussi antique, inspirée par les plus grands maîtres. Quelques mois plus tard, j'aurai le pendant cuit au feu de bois de ce kyusu rouge. Me voilà en avril 2011 avec le plus magique couple de théières japonaises qui puisse être (cf photos du post précédent). Mais JF. m'enseigne bien plus que cela. Il ne fait pas que me transmettre les coordonnées internet des meilleurs vendeurs japonais...il me parle du thé japonais différemment, avec poésie, douceur, sans évoquer la technique de préparation, les paramètres etc etc. Une approche empirique, simple, de l'amour des objets, un sens du beau, une harmonie avec le souffle, avec la nature. Une méditation. Et c'est le 4 novembre 2010 que pour la première fois je me lève à 6h30 un matin pour déguster mon sencha. C'est la première date qui figure en haut de la première page de mon premier carnet de thé japonais. Immédiatement je sais que le thé japonais ne peut être une gourmandise ponctuelle, un bon thé que je m'offre de temps en temps. Non, ça devient instantanément une habitude de vie, un métronome qui rythme mes journées.

 

Je me rends compte que j'en aurais bien plus à dire, dans le détail, surtout sur cette préiode si forte et intense. Mais je reste sur mon récit chronologique assez ramassé. Une fois celui-ci terminé, je reviendrai avec une approche plus thématique, pour évoquer des notions qui me sont chères (vous n'en avez pas fini avec moi...^_ ^).

 

Prochain épisode : poursuite de mon exploration des terroirs japonais.

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Y
<br /> merci pour cette belle histoire <br />
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D
<br /> C'est justement parce que tu te livres si sincèrement que c'est si captivant à lire !<br />
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L
<br /> Merci L'Ange...(mystérieux tout ça...).<br /> <br /> <br /> C'est vrai, je me rends compte que je me livre pas mal...au delà de rappeler les étapes de ma vie de thé...<br />
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L
<br /> C'est extraordinaire de pouvoir lire le parcours de thé de quelqu'un d'autre, de pouvoir comparer les émotions, les apprentissages.<br /> <br /> <br /> Merci de te livrer au lecteur, inconnu, voyeur, avide<br />
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D
<br /> Toujours aussi passionnant ce voyage.<br />
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